lundi 20 novembre 2006

Intervention de Yves Fravega le lundi 20 novembre 2006

Vous le savez, les associations du Comptoir Toussaint/Victorine ont créé un lieu pluridisciplinaire de rencontres et de création, un lieu de travail et de rencontre pour les artistes, un lieu de rencontre avec la population.

On y trouve un studio de danse, un studio multimédia, des locaux de répétition pour le théâtre et pour la musique.
On y trouve un studio d’enregistrement, un atelier de façonnage, un atelier de construction, un atelier d’arts visuels, un studio de montage vidéo, et bien d’autres choses…

Vous le savez, ces associations réalisent au Comptoir des créations de dimension nationale et internationale. Elles y organisent des présentations de travaux en cours et collaborent aux événements festifs et culturels du quartier.
Cette année, environ 25 000 visiteurs/spectateurs ont assisté aux productions des associations du Comptoir Toussaint/Victorine, qui ont eu lieu sur place, dans le quartier, à Marseille, en France et même à l’étranger.

Vous le savez, l’autre vocation des différents équipements du Comptoir Toussaint/Victorine, est d’accueillir d’autres artistes, d’autres structures, pour des répétitions, des résidences, des présentations de spectacles, pour du montage, du mixage, des enregistrements ou pour la construction de décors….

Vous le savez, les structures du Comptoir Toussaint/Victorine proposent de très nombreuses activités artistiques et culturelle en direction des habitants, sous forme d’ateliers, de stages, d’actions de pratique artistique et de créations associant artistes professionnels et amateurs.
On y fait de la danse, du chant, du théâtre, des percussions, on y est initié à la création sonore et la création plastique, …
Tout cela pour les enfants, pour les adolescents et pour les adultes

Aujourd’hui ces activités concernent environ 450 adhérents, originaires essentiellement de St Mauront, de la Belle de Mai.

Le Comptoir Toussaint/Victorine est un lieu de passage, de rencontre, de vie et de respiration pour le quartier.
Le Comptoir Toussaint/Victorine, est aussi la première fabrique d’allumettes de Marseille. C’est un lieu qui a à la fois une histoire et un présent. Bien sur, on n’y fabrique plus des allumettes mais on y contribue a fabriqué l’identité du quartier.

Le patrimoine c’est le vivant, c’est la vie, c’est la vie d’un quartier.
La culture ne peut pas être seulement installée dans des réserves : dans des Centres Dramatiques Nationaux, des Opéras ou des Musées.
En venant au Comptoir, ceux qui ne vont jamais au théâtre, au musée, au music-hall ou à l’opéra y vont sans le savoir et c’est ça qui est important..

S’implanter sur un quartier, y développer des ateliers, créer un lien avec la population ne s’improvise pas. Cela demande de l’opiniâtreté, une détermination sans faille et du temps.

Nous ne sommes pas ici par défaut. Ce sont des choix de vie que nous avons fait.
Si nous sommes ici ce n’est pas parce que nous n’avons pas réussi à être sur la Canebière ou le Vieux Port.
Si nous sommes ici c’est parce que nous ne souhaitions pas entrer dans des structures institutionnelles et pas parce que nous ne sommes pas arrivés à entrer dans ces institutions.

Bien sûr, certains d’entre-nous n’ont pas particulièrement choisi ce quartier.
En fait c’est le quartier qui nous a choisi et nous avons petit à petit découvert que les meilleures conditions pour élaborer nos projets artistiques et culturels étaient ici, que le lien établi avec la population était essentiel à leur réalisation.

Au delà de tout ce qui se dit sur notre travail de sensibilisation et sur l’importance du lien social dans les quartiers, la légitimité de nos existences ne doit pas être une légitimité limité, comme sont limités les droits des pauvres ou des minorités.
Une légitimité secondaire qui justifierait notre disparition en cas de changement de programme, d’insuffisance de moyens ou de spéculation immobilière.
Ce ne sont pas les Centres Dramatiques, les Centres Chorégraphiques, les Opéras qui occupent le terrain, c’est nous. Nous les artistes de proximité. Nous sommes le vivant, l’actif, le moderne

Ce n’est pas le style ou la forme qui compte. Nous ne nous laissons pas abuser par le pseudo intellectualisme ou le pseudo populisme dominant. Nous sommes tous savants dans nos spécialités, nous sommes tous des intellectuels.
Ce n’est pas le genre qui fait l’intérêt mais l’authenticité de l’engagement. Ce sont nos capacités à exciter la curiosité, à transmettre le goût, à donner du plaisir, à faire partager des rêves.

Si nous avons appris a être modeste et sommes fiers de l’être, nous ne consentirons jamais à être traités comme des misérables et expulsés comme des inutiles. Il n’y a pas de honte à préférer le bonheur à la richesse.

Nous proposons nos savoir-faire et notre imaginaire, nous mettons à disposition notre fantaisie. Nous sommes une alternative, un poumon.
Nous proposons aussi une idée de la vie qui n’est pas celle des victimes de leur sort.

Le destin du Comptoir ne peut pas rester entre les mains de spéculateurs immobiliers.
Laisser disparaître le Comptoir, c’est le considérer superflus pour les habitants du quartier.
Laisser disparaître le Comptoir c’est participer à l’anéantissement d’années de travail des structures de création, de production et d’animation qui y ont élu domicile.
C’est nier l’évidence de la valeur sociale et artistique de ce que tous ont accompli jusqu’à aujourd’hui sur les quartiers de la Belle de Mai et de St Mauront.

Alors aujourd’hui, oublions qu’on souhaiterait nous voir partir, et commençons par rêver à tout ce qu’on va faire ensemble en restant ici !

Que peut devenir encore le Comptoir Toussaint/Victorine ? Comment peut se développer son action quotidienne sur le quartier ?
Quel usage pourrait en être fait au quotidien pour et par les habitants du quartier ?

A partir de ce qui existe nous pouvons bâtir un projet, faire de ce site le cœur du quartier.
Un projet qui fasse rêver, qui associe dans un même espace : artistes, artisans, animateurs et travailleurs sociaux, un espace ouvert et de proximité.
Ici pourrait exister, une maison pour tous, un centre social, un jardin, un restaurant associatif, des résidences d’artistes…
Ici pourrait venir s’installer de nouvelles structures artistiques, de nouveaux artisans.
Nous lançons ces pistes pour d’autres. Ce n’est pas notre vocation de nous en occuper, mais il est de l’avis de tous que c’est une nécessité que ce lieu existe pour les gens du quartier comme pour ceux qui l’occupent.
Et nous sommes convaincus que tout cela ne pourra se réaliser sans que toutes les volontés et les expériences y collaborent.

Aujourd’hui, nous nous demandons pourquoi nous devons encore faire valoir l’importance de nos existences sur les quartiers de St Mauront et de la Belle de Mai.
Nous pensons nos projets pour le bout du monde et pour la rue d’à côté.
Nous fréquentons les artistes les plus rares et les plus improbables de la même façon que les gens du quartier.
Nous ne sommes plus des lieux expérimentaux, nous sommes des lieux essentiels !
Nous portons un nom qui existe déjà : Nous sommes les nouveaux territoires de l’Art et nous méritons le respect !

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