mercredi 13 décembre 2006

CONTRIBUTION ECRITE DE JALI

De l’urbanisation des villes en général et de Marseille en particulier.

Contribution écrite de Jali lue par Sam Khedizi, président de l’Union des Résidents du Comptoir lors de la réunion du 11 décembre 2006 au Comptoir, Jali s’étant excusé pour raison professionnelle.

« Je m ‘élèverai toujours face à une décision autoritaire prise par le politique quel qu’il soit, otage de l’économique, d’aménager abstraitement les quartiers, car cela tend à transformer ces quartiers en territoires de l’abstraction.
Notre ville perd un peu plus de son âme à chaque fois que l’on démoli, sans envisager une quelconque réhabilitation de l’ancien et sans tenir compte des désirs du citoyen. On démoli des maisons, des édifices qui sont, entre autres, les témoins de l’histoire de Marseille. Car c’est de l’histoire de Marseille dont il s’agit et surtout de son futur historique. On reconstruit du neuf standardisé, normalisé, relevant d’une pseudo-esthétique dictée uniquement par la sacro-sainte loi du marché... Nos villes finiront par toutes se ressembler.
Faut-il absolument raser l’ancien et rebâtir du neuf ? Dans ce cas pourquoi Kaufman & Broad n’ont-ils pas rasé la rue de la république qui incarne à jamais l’insulte faite aux marseillais dans les années 1860 par Napoléon III et son exécuteur des basses œuvres, Haussmann ? C’est peut-être parce que, finalement, ce sont les mêmes valeurs que partagent un despote français du XIXème siècle et un organisme américain à 150 ans d’intervalle. Kaufman & Broad, si j’en crois leur site internet Marseille- république trouve cette architecture haussmannienne magnifique, soit. Alors qu’ils rénovent le Comptoir et relogent les locataires ! C’est aussi un édifice du XIXème siècle que nous, habitants du quartier, trouvons aussi magnifique que ceux de la rue de la République. Il y a 150 ans les rapports de fonctionnaires mal intentionnés justifiaient la destruction des quartiers populaires, qui étaient à la place de la rue de la République, par le fait que ces quartiers puaient et étaient le repaire des truands, l’idée que pauvreté = délinquance et insalubrité n’est pas neuve. On a expulsé et repoussé ces gens plus loin, notamment dans ce que nous appelons aujourd’hui le 3ème arrt, laissant la place à une classe plus aisée. Le mouvement des poètes ouvriers marseillais emmenés par Victor Gelu en témoigne par de nombreux textes. Aujourd’hui ce sont les quartiers du 3ème arrt, nos quartiers et leurs populations qui subissent les mêmes injures, triste répétition de l’histoire.
À ceux qui argumenteront « qu’il est temps d’arrêter d’ajouter de la misère à la misère et qu’il est temps de retrouver une mixité sociale si nécessaire, blablabla… » je rappellerai que nos quartiers étaient bien prospères dans un temps qui n’est pas si éloigné et que si les classes moyennes ont pour une grande part déserté, c’est que petit à petit une grande partie des PME, des PMI, des commerçants ont fermé boutique ou ont déménagé attirés par les conditions plus favorables qu’on leur proposait, en particulier dans les zones aménagées des quartiers nord. Je préfèrerais, pour ma part, voir des sociétés investir dans nos quartiers dans des activités engendrant des emplois pérennes plutôt que dans la « pierre ». Pour ce qui est de l’immobilier, les dispositifs d’aide à l’accession à la propriété tels que "Le Chèque Premier Logement" existent, les dispositifs de rénovation comme l’ANRU, existent, ils doivent maintenant servir aux habitants de nos quartiers qu’on dit « défavorisés » (défavorisés par qui ?). Lorsque toutes solutions relevant des institutions publiques auront été épuisées, alors il sera temps de se tourner vers le secteur privé (si possible français). En attendant je crois que le devoir de nos édiles, quelles que soient leurs convictions personnelles, est de favoriser au maximum les partenariats Public/Public et ce dans tous les domaines de l’aménagement du territoire. C’est donc avec une grande satisfaction que j’ai appris que le maire de Marseille avaient émis l’hypothèse de préempter le comptoir et mettre sur pied un plan de sauvetage aidé en cela par le CG et le CR, à suivre…
Bien que n’étant pas occupant du comptoir Ste Victorine, je soutiens donc l’action menée par l’Union des Résidents du Comptoir en tant qu’habitant du quartier, en tant qu’opérateur et surtout en tant que Militant Urbain Marseillais.
Et pour conclure je dis, Non ! a une société pyramidale et à une urbanisation frontale génératrices de ruptures, de cassures mais oui !! à une société et à une urbanisation amphithéâtrales génératrices d’échanges, de liens sociaux et de rapports fertiles entre les citoyens que nous, nous appelons simplement nos voisins. »

Jali, Marseille/St Mauront le 11 décembre 2006

Jali : habitant de la Butte Bellevue depuis 1986, Animateur de l’association Bouléguez !, Opérateur « social et culturel » sur le 3ème arrondissement, chanteur et cofondateur du groupe de musique Massilia Sound System et du collectif Soleil FX, groupe de musique de la Belle de Mai.
Site web, http://www.papet-j.com

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